Les villes qui ont fait le choix de reconstruire ce qui avait été complètement détruit
Dans le monde entier, les monuments qui participent à l’identité d’une ville et d’une région mais aussi à son histoire, ont été simplement reconstruits après leur complète disparition.
A tous les monuments anéantis appartenant au paysage urbain allemand
Monastère Saint Michel de Kiev, Ukraine
Il est surnommé „couvert d’or“ et date du XIIe siècle. A l’apogée de la politique anti-cléricale de Staline en 1935/36, il fut dynamité et éliminé. Dès la chute du communisme, sa reconstruction fut entamée. Aujourd’hui il rayonne dans toute sa splendeur originelle.
Les autres pays ne se posent pas autant de question au sujet de la reconstruction de bâtiments historiques. Le plus important est l’histoire de la Culture, qui est témoin de l’histoire du pays.
Monastère Saint Michel de Kiev.
Campanile de Venise, Italie
Venise, les tas de débris du Campanile
Venise, place saint Marc avec le Campanile
En 1902, l’écroulement du campanile sur ses fondations provoque un remous émotionnel en Europe. Après une forte mobilisation financière et de spécialistes, le nouveau Campanile est reconstruit à l’identique et inauguré 10 ans plus tard.
Partout dans le monde, les principaux bâtiments déterminants l’identité de la ville et de la région ont été reconstruits après leur destruction. Par exemple au Japon depuis plus de mille ans les sanctuaires de Shinto ont été régulièrement reconstruits. Ils sont en bois, donc pourrissent avec le temps. C’est pourquoi ils ont deux fondations : l’ancien reste à côté comme modèle jusqu’à la complète reconstruction du nouveau et est par la suite détruit.
Ypres, Belgique
La ruine des halles aux draps après la bataille des Flandres en 1914 dont seuls les soubassements du corps central et de deux pans de mur des ailes ouest sont restés à peu près intactes.
Cette halle aux draps reconstruite dans le courant des années 20 par les architectes J. Coomans et P.A. Pauwels.
Eglise Saint Nicolas de Dixmude, Belgique
Dixmude, Eglise Saint Nicolas, 1918
Par ces images, on se rend compte, que l’architecture a un rôle pivot.
En architecture, le génie de l’architecte est d’abord présenté sur plan. Peu d’architectes d’églises gothiques purent vivre leur édification complète, à peine en virent-ils la nef. Des centaines d’artisans, tailleurs et sculpteurs de pierres, maçons et autres oeuvraient selon les plans avec parfois quelques changements.
Dixmude, Eglise Saint Nicolas, 2003
Cela pouvait durer sur plusieurs générations. Quand ces plans ou documentations restent accessibles, ces bâtiments peuvent être continûment rénovés voire reconstruits.
A cause de l’érosion, les monuments historiques ont dus au moins une fois subir une rénovation de leur façade. On dit alors qu’ils sont devenus une copie d’eux-mêmes. C’est le cas du château de Berlin, qui, au XIXe siècle, a été complètement rénové. W. Ulbricht a détruit donc une copie du château de Schlüter, mais pas sa mémoire !
De nos jours, un long débat est lancé si on doit ou pas reconstruire les bâtiments disparus. Les opposants de tels projets argumentent comme la création de nouveaux clônes, Disneyland ou Las Vegas. Pour leur montrer qu’ils ont tort, on a choisi ces images de monuments reconstruits, qui symbolisent l’identité (rétablie) de ces villes.
La reconstruction ne se fait pas facilement et rapidement : les comportements économiques et politiques en font leur cheval de bataille !
Cathédrale d’Orléans, France
Orléans, France. La cathédrale de la Saint Croix domine dorénavant la ville.
La cathédrale d’Orléans a été rasée pendant les guerres de religion au XVIe siècle. Pendant près de 150 ans, la place était restée vide. Au XVIIIe siècle, en pleine période du Rococo, elle fut reconstruite à l’identique en style gothique d’après les anciens plans. Un siècle plus tard, elle a été de nouveau consacrée. Aujourd’hui, peu de personnes connaissent son âge : à peine 200 ans donc. Elle ne date pas de l’époque du rayonnement du gothique en France. Sa reconstruction est la preuve qu’elle appartient de toute façon à la mémoire et à l’identité de la ville.
Eglise Grand St Martin, Cologne, Allemagne
Cologne, 1945. les vestiges de la célèbre église romane grand St Martin.
Cologne, église Grand St Martin après sa reconstruction
La décision de reconstruire les églises romanes, comme l’église du Grand St Martin gravement endommagée par les bombes, permit à Cologne de retrouver sa silhouette d’antan. Ainsi quand on regarde la ville depuis les ponts du Rhin, elle ressemble de premier abord à celle d’avant-guerre.
Mostar, Bosnie- Herzégovine
La physionomie de la ville est une composante importante de la mémoire européenne : c’est une ancienne ville frontière ottomane entre l’Europe catholique et l’empire ottoman.
La conférence pour la protection du patrimoine mondial de 1994 choisit, contre l’avis des Allemands, de reconstruire la ville de Mostar, ses minarets et son célèbre vieux pont Stari Most dès la fin de la guerre civile en Ex-Yougoslavie.
Stari Most avant sa destruction
Stari Most pendant sa reconstruction
… et une fois terminée
Ce vieux pont est une copie de l’original, reconstruit avec des matériaux modernes, étant tout de même reconnu comme authentique par l’ICOMOS. Il fait remémorer d’un seul coup la période d’occupation turque en Europe centrale.
Hildesheim, Allemagne
Hildesheim. L’hôtel Rose n’a existé que 20ans et son architecture a déjà fait son temps. Hildesheim a pu enfin retrouver son ancienne apparence grâce au nouveau bâtiment dit de l’administration de la confrérie des charcutiers, le Knochenhaueramtshaus, en plein centre-ville.
Hildesheim est un exemple particulier d’échec dans l’immobilier moderne urbain. Elle fut en grande partie détruite par les bombardements. Dans les années 60, un appel d’offres eut lieu. En effet Hildesheim désirait devenir une ville moderne et imprégnée de son époque, où régneraient espace et lumière. Ces planifications urbaines touchaient aussi le centre historique. Au milieu de la place du marché et à la place du Knochenhaueramtshaus, l’hôtel Rose (image de droite) est construit et sera même primé. 20 ans plus tard, les habitants d’Hildesheim s’en sont lassés. Ils demandèrent de raser purement et simplement cet hôtel ; ils trouvèrent même un investisseur pour reconstruire la maison aux colombages des charcutiers.
Dresde, Allemagne
Dresde est l’exemple le plus connu pour décrire l’engagement de ses habitants: des plus modestes au chancelier lui-même, tous ont participé, par leurs dons, à la reconstruction de la Frauenkirche.
Dresde en 1991, le tas de ruines de la Frauenkirche.
En 2005, ça y est! La Frauenkirche est reconstruite et consacrée.
Dans les murs extérieurs, des pierres sont plus sombres que les autres, ce sont celles d’origine qui ont été réemployées. Dans quelques décennies toutes les pierres auront la même couleur ; qui pourra vraiment remarquer la différence ? Enfin Dresde peut retrouver son allure d’antan pérennisée par les peintures de Canaletto, et son surnom de la « Florence de l’Elbe » ; Dresde a récupéré son identité historique.
Dès le début du XXe siècle commence un immense débat sur le thème de la reconstruction : quels bâtiments annihilés doivent être reconstruits pour garder intact la mémoire d’une ville ?
Hambourg, Allemagne
A Hamburg, en 1906 le symbole de la ville disparait dans un incendie : l’église St Michel, Michaeliskirche. Dans le camp des opposants à sa reconstruction se tenait le célèbre architecte, Fritz Schumacher (1869-1947). Il pensait qu’on ne retrouverait pas la symbolique de cette église. Reconstruite, malgré son désaccord, il reconnut l’exceptionnelle réussite de l’ouvrage.
Chaque chose en son temps. Aujourd’hui c’est le tour du château de Berlin !
L’église Saint Michel, emblème de Hambourg brûlait en 1906. Le clocher s’écrasa dans la nef principale.
Hambourg, L’église Saint Michel en 1953.
La troisième copie de l’église en 1970. Elle est rajeunie avec une couleur plus cuivrée. D’après les plans de 1755, le clocher en est à sa troisième réalisation.
Château de Varsovie, Pologne
Varsovie, château après sa démolition par les SS en 1945. Le centre ville était détruit à plus de 85%.
Varsovie, château reconstruit par la population.
Résidence de Munich, Allemagne
Celle-ci a été d’autant plus difficile que les architectes ont dû se baser sur des descriptions orales. La pièce n’avait pas été retouchée depuis 1799, date de sa création.
Munich, sa Résidence. La salle impériale après sa reconstruction en 1985.
Römerberg, Francfort sur le Main, Allemagne
Francfort sur le Main, Römerberg, la partie orientale en 1945.
Francfort sur le Main, Römerberg.Les maisons à l’est sur la place sont reconstruites.
Francfort sur le Main, Römerberg, en 1945 et aujourd’hui.
Château de Charlottenburg à Berlin, Allemagne
1944
Berlin, château de Charlottenburg, Galerie dorée après sa reconstruction
Château de Brunswick, Allemagne
Château de Brunswick, 1900.
Brunswick, destruction du château abîmé par la guerre, 1961.
Brunswick, château reconstruit en 2008.
Monastère du Monte Cassino, Italie
Le monastère Monte Cassino en Italie en 1944, proie des bombardements des Alliés, croyant en la présence d’un quartier général de l’armée allemande, la Wehrmacht.
Le monastère subit de sévères dommages lors du bombardement du 15 février 1944 par les Alliés. Un grand nombre de réfugiés y avaient recherchés un havre de paix et y moururent. Il fut reconstruit à l’identique. Le slogan de l’abbé reconstructeur Ildefonso REA : « là, où il était et tel qu’il était » Les travaux ont duré dix ans et furent financés entièrement par l’Italie.
Le monastère Monte Cassino après sa reconstruction.
Mairie d’Augsbourg, Allemagne
Augsbourg, mairie en 1945.
Augsbourg en1990.
Augsbourg. Mairie et son actuelle salle dorée.
De nombreux bâtiments ou ensembles détruits en partie ou en totalité, d’une valeur historique et architecturale ont été reconstruits dans l’immédiat d’après-guerre. Bien qu’ils aient été reconstruits à l’identique, leur intérieur a été modernisé. Ainsi ces villes retrouvent leur mémoire bombardée, alors que certaines villes reconstruites à la va vite sont toujours à la recherche d’une nouvelle identité.
Château de Bruchsaal, Allemagne
Château de Bruchsaal a énormément souffert sous le bombardement en1944 et a retrouvé sa belle apparence d’autrefois.
Château de Bruchsaa l: vestibule et cage d’escalier reconstruits
Moscou, cathédrale du Christ Sauveur, Russie
Dynamité au nom de l’athéisme! Pour combler le vide, il était prévu d’ériger un immeuble ; mais faute de moyens, une énorme piscine y fut creusée.
Dès la chute du communisme, sa reconstruction s’opéra.
Moscou, la cathédrale (en arrière plan sur la photo) fut détruite sur ordre de Staline dans les années 30.
Liste des autres monuments et ensemble des rénovations entreprises, non exhaustive…
Allemagne
- Dresde : Zwinger et le château, vieille ville
- Stuttgart : château
- Karlsruhe : château et vieille ville
- Mannheim : château
- Würzburg : Résidence et vieille ville
- Centre de Berlin : Kronprinzenpalais, Zeughaus, Oper, Kronprinzessinenpalais, Französischer Dom, l’université Humboldt, Kaiser Wilhelm Palais, cathédrale Sainte Hedwige, Bauakademie, île aux musées, Marstall, Ephraim Palais, église Saint Nicolas etc.
- Lübeck : vieille ville, église Sainte Marie, Cathédrale etc.
- Münster : vieille ville, Prinzipalmarkt
- Mayence : maisons autour de la place du marché
Russie
- Moscou : cathédrale de Kazan, cathédrale du Christ-Sauveur
- St. Pétersbourg : châteaux de Tsarskoje Selo, Peterhof etc.
- Königsberg : Reconstruction de la cathédrale
Pologne
- Gdańsk: vieille ville
- Wrocław: vieille ville
- Szczecin: château et vieille ville
- Elbląg: vieille ville
- Malbork: château de l’ordre des chevaliers teutoniques
- Varsovie : château et vieille ville
D’autres pays et villes
- Riga, Lettonie : Maison des têtes noires, hôtel de ville, quartiers de la vieille ville
- Hiroshima, Japon : château reconstruit en 1958
- Reims, France : cathédrale
- Seoul, Corée : palais impérial coréen détruit sur un ordre japonais en 1912, en cours de reconstruction
- Istanbul, Turquie : Palais Ciragan, bâtiment du parlement ottoman. Destruction par un incendie en 1910, reconstruction de 1985 à 1992. Aujourd’hui Hotel Kempinski
- Tolède, Espagne : Alcazar et vieille ville complètement détruits pendant la guerre civile.
Cas particuliers réalisés
La mairie de Wesel, Allemagne
Reconstruction en 2011 des façades Renaissance de la mairie historique à la place d’une construction des années 50 de la ville hanséate Wesel. Ainsi la place de marché retrouvera son apparence historique.
Reconstruction des façades de la mairie (A gauche de l’église)
Château de Potsdam, Allemagne
Reconstruction de 2008 à 2012, aujourd’hui siège du Parlement de Brandebourg. Tout a commencé par un don financier du présentateur animateur télévisé Günther Jauch pour le portail dit de la Fortune.
Grâce à un gros don de plus de 20 millions de Hasso Plattner, de l’entreprise SAP AG, en novembre 2007, la reconstruction des façades a pu être réalisée sur les plans de Knobelsdorff.
Château de Herrenhausen d‘Hanovre, Allemagne
Reconstruction identique à l’originale terminée en 2012 grâce à un don de la fondation Volkswagen Stiftung. Aujourd’hui siège de la fondation et musée.
Eglise de l’université Leipzig, Allemagne
Leipzig, église de l’Université sur la Augustusplatz
En 1968, l’église de l’université de Leipzig et l’église dédiée à Saint Paul sont restées intactes malgré les bombardements alliés.
Mais Walter Ulbricht, président de la RDA, décida son dynamitage soit disant pour „la modernisation de l’université dans le sens du socialisme“.
L’ébauche pour la reconstruction de l’église de l’université. Presque tout le mobilier ecclésiastique a été retiré et mis de côté avant la dynamitage. Maintenant il attend une nouvelle église.
Dès 1949, W. Ulbricht prit seul les décisions nécessaires en ce qui concerne les plans d’urbanisme et d’architecture de la ville. De plus l’équipe communiste dirigeante ne veut conserver ni protéger les monuments symbolisant la puissance des Hohenzollern. Les châteaux appartiennent à l’état prussien et le nouveau gouvernement en assure juste la tutelle. En gros il ne voulait pas conserver les éléments de tradition ni ceux de mémoire collective.
En 2004, un appel d’offres a été décidé pour ériger le nouveau bâtiment d’après l’ébauche de l’architecte hollandais EGGERAT. Il utilise le nom de « église » et « Augusteum », tout en imaginant une « Aula », c’est-à-dire une grande salle de l’université, avec un corps gothique et son voûtement. Le représentant de l’association s’occupant de l’église dédiée à Saint Paul accepta ce compromis. Dans cette « aula », le trésor artistique de l’église pourra être exposé.