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 Le Bundestag s’est prononcé en faveur de la reconstruction du Stadtschloss de Berlin

Après plus de dix ans de vives polémiques, le Palast der Republik, va céder la place au château des Hohenzollern, qui occupait autrefois le Schlossplatz. Le pré-projet, conçu par une commission internationale de dix-sept experts, a été adopté par 384 voix contre 133 par les députés du Bundestag, jeudi 4 juillet 2002.

Un débat passionné

Le château baroque des princes électeurs du Brandebourg, dessiné entre 1699 et 1706 par l’architecte Andreas Schlüter, avait été très endommagé lors de la seconde guerre mondiale, puis rasé pour des raisons idéologiques par le régime communiste de la RDA en 1950. Walter Ulbricht voyait en ce château le symbole de l’asservissement du prolétariat par la dynastie des Hohenzollern et la caste des hobereaux prussiens. Le Schlossplatz fut alors débaptisé en Marx Engels Platz et l’esplanade nouvellement créée devait servir de lieu de parade aux grandes célébrations politiques du régime pro-soviétique.
Un quart de siècle plus tard, Erich Honecker inaugurait, en 1976, la Chambre du peuple (Volkskammer) au sein du Palast der Republik, un édifice monumental et disgracieux de verre fumé, de métal et de marbre, qui enlaidit depuis la perspective d’Unter den Linden.

Depuis la chute du mur, le sort du Palast der Republik, rongé par l’amiante, divise les Berlinois. Fermé pour cause de désamiantage, le colosse socialiste n’est plus qu’un squelette de poutres métalliques. Les néo-communistes du PDS, héritier de l’ancien parti unique de RDA, souhaitaient sa conservation. Le “Ballast der Republik” (le poids de la République), surnom donné par ses détracteurs, est promis aux pelleteuses.

Au-delà du PDS, les tenants d’un Berlin un peu plus contemporain sont consternés. «C’est une décision frileuse et bornée, regrette Peter Conradi, président de la Bundesarchitektenkammer. Mais cela correspond à une tendance générale à se tourner vers le passé. Cette République n’ose rien.» Juste avant le vote, l’Akademie der Künste de Berlin avait exhorté les députés à ne pas ressusciter au centre de la capitale «l’image d’un royaume de 1700».

La reconstruction du château, symbole de la Prusse des Hohenzollern, a beaucoup de détracteurs. Le Bundestag a suivi à la lettre les recommandations émises par la commission “Historische Mitte Berlin”, qui est parvenue à un compromis au terme d’une année d’auditions et de débats : seule trois des quatre façades baroques vont être édifiées et habilleront un bâtiment moderne, destiné à accueillir des collections muséographiques, ainsi qu’un lieu de forum. L’initiative rappelle l’imposant chantier en cours à Dresde, où la “Frauenkirche”, une église protestante détruite par les bombardements alliés survenus dans la nuit du 13 au 14 février 1945, doit être rebâtie à l’identique. Les architectes de ce projet grandiose ont travaillé sur les plans d’origine, dessinés au XVIIIe siècle. Des milliers d’Allemands et des entreprises se sont mobilisés pour soutenir financièrement l’opération

Une utilité à inventer

L’alternative proposée aux parlementaires était de lancer un concours d’architecture ouvert qui aurait permis aussi bien un projet moderne qu’une reconstruction complète. Lassés par douze ans de débats, les députés du Bundestag ont préféré trancher dans le sens de ce qui leur paraissait un «compromis» : le concept retenu ne prévoit pas une reconstruction intégrale. Trois façades, hormis celle donnant sur la Sprée, une cour intérieure, le Schlüterhof, seront intégrées dans un bâtiment aux volumes de l’ancien château.

Que faire d’un édifice moderne aux façades baroques ? Le trompe-l’oeil servirait à abriter les collections extra-européennes des musées de Berlin, actuellement situées à Dahlem, celles de l’Université Humboldt ainsi que l’Amerika Gendenkbibliothek, la bibliothèque de Berlin. Le tout animé par des espaces de rencontre (cafés, restaurants…), à l’image du centre Georges Pompidou de Paris.

Le retour aux façades baroques n’est pas un hommage au «militarisme prussien», ni un projet de «restauration politique», mais une preuve de «notre très grand respect pour les chefs-d’oeuvre de nos ancêtres», assurait jeudi la députée Verte Antje Vollmer. «Les modernes ont eu leur chance à Berlin, comme dans aucune autre métropole ou presque. Et beaucoup de ces bâtiments nous ont montré les limites du moderne», plaide-t-elle.

Un financement encore incertain

L’homme d’affaires Wilhelm von Boddien, a promis de réunir 75 millions d’euros de dons pour financer la reconstitution des façades. La question des quelque 600 millions d’euros restants est pourtant loin d’être réglée.

«Puisque le Bundestag joue les maîtres d’oeuvre, en choisissant les façades, l’Etat fédéral va maintenant devoir allonger l’argent», raisonne Thomas Flierl, le sénateur néo-communiste chargé de la Culture à la ville de Berlin. Le Sénat «rouge-rouge», qui dirige la ville de Berlin, est plutôt hostile à cette reconstruction et souligne qu’il n’a pas un cent à investir dans ce projet.

La commission “Historische Mitte Berlin” envisage la création d’une société d’économie mixte, où l’Etat Fédéral et la ville de Berlin céderaient les terrains de la Schlossplatz, tandis que des investisseurs privés assureraient l’exploitation commerciale de certaines infrastrutures du Stadtschloss de Berlin.
Les budgets destinés aux musées de Dahlem – devant faire prochainement l’objet d’importantes restaurations – et à la bibliothèque municipale de Berlin – devant engager des travaux d’agrandissement – pourraient être consacrés au financement de la reconstruction du Stadtschloss. De plus, le déménagement de ces deux institutions permettrait également la vente des terrains qu’elles occupaient. L’Etat Fédéral et la ville de Berlin pourraient contribuer indirectement au financement du projet à hauteur de 230 millions d’Euros.
360 millions d’Euros seraient alors levés par l’émission d’actions auprès d’investisseurs institutionnels, pour lesquels l’Etat Fédéral devra se porter garant, en proposant le versement de dividendes annuels à hauteur de 2,5 %.

Wilhelm von Boddien : l’infatigable avocat du Stadtschloss de Berlin

Cet homme d’affaires hambourgeois a milité dès le lendemain de la réunification en faveur de la reconstruction du château des Hohenzollern. Au début des années 1990, nombreux étaient ceux – parmi l’intelligentsia allemande – à le considérer comme un trublion.

En 1993, il réussit à relancer le débat en faveur de la reconstruction du Stadtschloss de Berlin, en installant des tentures dressées sur des échafaudages, qui faisaient renaître temporairement la résidence des Hohenzollern.

Près de dix ans plus tard, il est à la tête d’une association très active, qui ne cesse de promouvoir la restauration de l’ancien coeur historique de Berlin. C’est avec un satisfecit qu’il accueillit, le 4 juillet 2002, le vote du Bundestag, du haut de la tribune des visiteurs du Reichstag.
Pour lui, le travail ne fait que commencer.